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Chapitre 2 :

Se réadapter à la société

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“La prison n'est qu'un espace muré qui cache les    échecs de la société.”

-Anthony Dacheville

 

Outre le moment de la sortie, ce sont les semaines d’après qui peuvent être difficiles. “Tous les jours quand tu es en prison, tu réfléchis, tu réfléchis. Même quand tu dors tu réfléchis. Il y aussi des nuits entière où je n'ai pas dormi. La prison ça te ronge”, témoigne Frédéric.

 

Se familiariser à nouveau à une société dont on a été écarté pendant de nombreuses semaines, voire années, semble donc presque insurmontable pour certaines personnes.“Se réadapter ça dépend des personnes. Ici (à Alerpi) j’ai mis deux-trois semaines et ça allait mieux”, souligne Frédéric.

 

 

Plusieurs facteurs font que ce retour dans la réalité peut être compliqué. D’abord, il y a le regard de l’autre. De nombreux anciens détenus ont ou ont eu l’impression d’avoir une étiquette sur le front où il y aurait marqué “ancien taulard”. Lucas a déjà eu cette sensation à sa première sortie, même s’il est vrai que ce sentiment se retrouve surtout chez les personnes ayant fait de longues peines. Depuis, le jeune homme admet que cela n’est que de la “paranoïa” qui disparaît avec le temps.

Écoutez Lucas parler du regard

des gens :

Pour J.F.L, il paraît difficile de se détacher de cette étiquette d’ancien détenu. Si le travailleur social souligne le boulot formidable et nécessaire des associations qui aident à la réinsertion, il met également en lumière un milieu qui peut vite devenir un vase clos :

“Il ne faudrait pas non plus qu’il y ait quelque chose de très stigmatisant, une personne qui sort il ne faudrait pas qu’elle soit uniquement suivie par une association spécialisée parce que ça la maintient encore avec une étiquette “je suis un ancien taulard”. Ce serait bien qu’elle puisse sortir, aller à la CAF, aller voir des assistantes sociales de secteur, aller voir des associations de soutien mais de droit commun et pas uniquement dédiées aux sortants de prisons.”

Mais la première chose à régler dès la sortie reste tout ce qui touche aux démarches administratives. Celles-ci doivent être réalisées très vite pour que le sortant ne soit pas sans ressources.

 

Nathalie Vallet, travailleuse sociale au CASP-Arapej, débloque ces démarches dans les quinze premiers jours: “La sécurité sociale, la CAF se font par courrier mais pour pôle emploi et le RSA il y a obligation d’être présent.”

 

Il est vrai qu’il y a une sorte de “dépendance” en prison, l’autonomie est laissée hors les murs et est difficile à retrouver par la suite. Pour les personnes comme Frédéric et Lucas qui n’ont pas fait de longues peines, les démarches ne sont pas excessivement difficiles. Il n’empêche que se reconstruire prend du temps, et retrouver une place au sein de la société et de l’administratif également.

 

Mathieu Oudin, avocat au Barreau de Tarbes et membre de l’association des Avocats pour les droits des détenus dénonce cette perte d’autonomie: “Il faut comprendre que la prison c’est la réduction absolue de l’autonomie. La définition de mettre une personne en prison c’est de la placer sous l’autorité et la dépendance complète et totale de l’administration pénitentiaire. Imaginez c’est comme si vous étiez chez vous, cloîtré dans votre chambre et qu’à chaque fois que vous voulez faire quelque chose, il vous faut une autorisation. Les détenus sont donc privés d’autonomie et tout d’un coup on leur demande d’être très indépendants, ils n’y arrivent pas.”

L’avocat rappelle l’importance de distinguer les “grands blocs” de la population carcérale, à savoir, schématiquement, les courtes et les longues peines: “Le problème des courtes peines, c’est qu’il faut une solution vite, il faut mettre en place des choses de suite, c’est la population la plus nombreuse, donc c’est celle qui bénéficie le moins d’accompagnement sur sa réinsertion, voire aucun.”

 

CAF, pôle emploi, logement, papiers d’identité, sécurité sociale, tout est à faire ou à refaire.

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Cliquez sur les icônes pour découvrir les explications de Lucas et Frédéric, Nathalie Vallet et comprendre ce qu'est l'ATA. 

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Dans la tête de la majorité des gens, lorsque l'on parle de réinsertion post-carcérale, il s'agit surtout du logement et de l'emploi. Il y a bien sûr les démarches administratives qui mettent un certains temps à s'ajuster, mais on oublie souvent que les personnes qui ont fait un ou plusieurs séjours en prison ont des amendes à régler. 

On distingue les dettes civiles qui sont les dommages et intérêts donnés aux personnes physiques ou morales et les dettes à l’égard de l’État qui sont versées aux douanes ou au trésor public. Les paiements peuvent commencer dès l’incarcération. Ainsi, des paliers sont mis en place, selon les revenus mensuels du détenu (s'il travaille en prison ou si sa famille lui envoie de quoi “cantiner”).

Mais si la ou les victime(s) décide(nt) de saisir le Sarvi (service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions) c’est ce fond de garantie qui paie à la place du détenu. Et le Sarvi se retourne par la suite contre lui en lui réclamant la somme dûe.

 

Sur son site, le fond de recouvrement affirme vouloir responsabiliser l’auteur du dommage : 

“Dans le domaine infraction, le recours est un moyen de responsabiliser le délinquant face aux conséquences financières de son acte. C’est aussi, souvent, le moyen pour lui d’avoir le sentiment d’être quitte à l’égard de la société, ce qui fait partie du processus de réinsertion sociale. Le recours est également un facteur dissuasif, moyen de prévention de la récidive.”

 

Les sortants de prison remboursent souvent par petites sommes, à hauteur de 20 ou 30 euros par mois. Certains ont des dettes si élevées qu'ils ne les rembourseront jamais entièrement. 

Les dettes à l’égard de l’État sont les sommes dû au trésor public ou à l’administration des douanes. Il faut savoir que si l’ancien détenu ne paie pas, la contrainte judiciaire est appliquée : “En cas d'inexécution volontaire d'une ou plusieurs condamnations à une peine d'amende prononcées en matière criminelle ou en matière correctionnelle pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement, y compris en cas d'inexécution volontaire de condamnations à des amendes fiscales ou douanières, le Juge de l'application des peines peut ordonner, dans les conditions prévues par le présent titre, une contrainte judiciaire consistant en un emprisonnement dont la durée est fixée par ce magistrat dans la limite d'un maximum fixé par la loi en fonction du montant de l'amende ou de leur montant cumulé. ”

— Article 749 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la Loi du 9 mars 2004

 

Un des résidents d'Alerpi, croisé lors d'une réunion est d'ailleurs reparti en prison parce qu'il n'avait pas payé sa dette régulièrement. Tout s'est passé rapidement, en quelques jours. Comme le souligne Nathalie Vallet, mettre un échéancier en place est essentiel, ainsi, le trésor public ou les douanes voient que la personne fait un effort pour s'acquitter de sa dette. Elle rapporte qu'une personne dont elle s'occupe s'est vu refuser cet étalonnement de la dette alors qu'en général il y a une certaine souplesse dans ces situations. 

Le sortant lui a alors affirmé vouloir faire une grève de la faim. La travailleuse sociale explique qu'il est retourné dans les schémas de résistances qu'il utilisait en prison : grève de la faim pour protester, mutilations, etc. 

Frédéric et Lucas vivent un peu “au jour le jour”, malgré des rêves d’avenir. Pour plusieurs raisons, expliquent-ils. D'abord parce que le système carcéral est violent et que rien n’est moins sûr. Parce qu'ils ont fait chacun des allers-retours en prison après n'avoir pas respecté des sursis, conditionnelles ou autres obligations.

 

Et parce que "tout peu très vite basculer", surtout dans les jours après la peine. 

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“J’écoute les bruits de la ville,

et prisonnier sans horizon,

Je ne vois rien qu’un ciel hostile,

Et les murs nus de ma prison.”

                                             

                                         -Guillaume Apollinaire

L'insécurité de 

Frédéric et Lucas :

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Lorsqu’ils parlent d’avenir, Frédéric et Lucas ajoutent : “On ne sait pas ce qui peut se passer.” 

 

Comme pour se prévenir d’un mauvais présage, ou peut-être parce qu’ils vivent encore sur le fil, même si Lucas affirme “au moins j’ai ma liberté”.

Se réinsérer passe aussi par les projets d'avenir. Malgré l'incertitude des lendemains, Frédéric et Lucas n'hésitent pas à imaginer leur futur. Face aux doutes, il faut tenir et faire preuve de force mentale. Tout reste possible. 

Chapitre 3 : Regarder vers l'avenir 

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Une rencontre, des rencontres... Et dans le noir de la prison mortifère, une petite lueur a surgi au fond de moi. J'ai le choix. Je ne serai pas un petit caïd de plus. Je m'en sortirai.

 

- Karim Mokhtari

Écoutez Lilia Moussa-Esper parler des difficultés pour les sortants face à l'emploi :

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Passez un moment avec Fédéric et Lucas

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