0

chapitre 3.jpg
chapitre 3 color.jpg

            Chapitre 3 :

Regarder vers l'avenir 

couverture1

“Quand les hommes sortent de prison, neuf fois sur dix leur regard ne se pose plus. Ils ne regardent plus comme des hommes.”

 -André Malraux

 

Lucas boit un café dans la salle de vie d’Alerpi. Il entame ses dernières semaines au sein de l’association, avant d’emménager dans son nouvel appartement. Enthousiasmé par ses projets d’avenir il raconte vouloir reprendre ses études, veiller sur ses deux enfants et leur donner l’exemple. Son projet est clair, même s’il est conscient qu’il lui demandera de nombreux efforts. Mais chez Lucas, la volonté semble être un motivateur de poids, l’envie d’être un bon père également.

 

 

La travailleuse sociale actionne des “leviers” pour redonner l’envie à ces personnes parfois un peu “borderline” comme elle le dit.

Le premier levier sur lequel il faut travailler ce sont les liens familiaux, souvent délités durant la détention. Pour certains il s’agit de reprendre contact avec leurs enfants, d’avoir des droits de visite. Pour d’autres il faut retrouver de bonne s relations avec ses parents et sa famille proche. 

 

La prison abîme les relations familiales, de par la dureté de l'endroit d'abord. Mais également parce que pour obtenir des parloirs cela peut s'avérer compliqué. Et même lorsque c'est le cas l'attente et les conditions de visites sont parfois dégradantes. Rachida Brakni met ce phénomène en valeur dans son premier film De sas en sas. L'histoire de plusieurs femmes qui attendent leurs parloirs avec un mari, un père, un frère.  

 

J.F.L, doctorant et travailleur social s’inscrit dans une démarche constructiviste de la question carcérale. Pour lui, tout est à remettre en perspective car la “délinquance, la criminalité ne sont pas des données naturelles, elles sont construites. Ce n’est pas de la déviance mais c’est un choix délibéré qui a été fait.”

 

Or, la société dicte les lois et ce qui est aujourd’hui un délit ou un crime peut évoluer au fil du temps.  Il note aussi que, à cause de ces comportements que l’on condamne “il y a énormément de comportements des classes défavorisées qui peuvent tomber sous le coup de la loi.”

Selon lui, on prend le problème à l’envers : “la meilleure façon de sortir de prison c’est de ne jamais y aller”.

 

Mettre les individus en prison pour dire qu’après on les réinsère, c’est politiquement pas très courageux, c’est socialement pas très efficace et c’est ni très juste, ni très utile” ajoute-t-il.

Nathalie Vallet met en perspective les premiers jours après la peine. Souvent source de déception, elle admet que la liberté peut être enivrante, grisante, euphorique mais que la réalité de la sortie rattrape vite les personnes qu’elle accompagne : “Les premiers mois de la sortie, il y a une période d’euphorie. une sorte d'ivresse de la liberté. Souvent elle est suivie d'une période dépressive.”

 

Pour beaucoup d'anciens détenus ce sont les démarches, la difficulté à trouver un travail et l'idéalisation de l'après qui favorisent cette période dépressive. Régulièrement, la travailleuse sociale entend des on ne me demandait pas tout ça en prison” ou je veux y retourner”

 

 

Le découragement survient rapidement, “ça ne se passe pas forcément comme ils l'avaient imaginé, parce que la projection du départ n’est pas réalisable”, confie Nathalie Vallet. “On est là pour accompagner, discuter quand ça ne va pas, dire qu’il faut du temps. Ce sont des gens qui ont des parcours de vie avant la détention assez chaotiques. J’ai des grands adolescents, qui ne supportent pas la frustration, mon métier c’est aussi travailler avec ce public un peu borderline. Ils ne sont même pas à réinsérer, ils sont à insérer tout court.”

cadre.png
couverture.png

“Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison.”

 

-Victor Hugo

Si la majorité des sortants font des formations rapides ou essaient de trouver du travail, certains choisissent la voie des études plus longues. 

 

Pour se construire différemment, Lucas va reprendre ses études en septembre. Ce chemin, il l’a déjà entamé en prison en faisant des remises à niveau et en préparant son projet professionnel. Emmanuelle, l’éducatrice de l’association Alerpi l’aide à mettre cette future carrière en place. Avec le métier d’éducateur spécialisé, il espère aider des jeunes pour les empêcher de mal tourner: "C'est important pour les jeunes d'avoir quelqu'un sur qui s'appuyer, à qui parler, être là pour eux."

lucas-portrait couleur2.png

Le jeune homme a quitté sa ville d’origine pour se donner une chance et pour être présent pour ses enfants. Même s’il avoue ne pas trop aimer Metz, il raconte lors d’une longue balade, qu’il est content de quitter l’association pour enfin pouvoir aller vivre sa vie et s’installer en centre-ville. Le personnage se dessine, plus souriant, serein. On sent qu’il s’est libéré d’un poids, qu'il a envie d’effacer la case prison de son parcours. Il en est fortement détaché, même lorsqu’il en parle. Pour lui la prison ne “casse” pas, car tout est une question de mental. “Tout est dans la tête”, répète-t-il souvent.

 

Il confesse cependant qu’il a peur que cette étiquette le suive toute sa vie. Car s'il en est détaché, la société, elle, stigmatise. Récemment, Lucas a trouvé du travail comme surveillant dans un lycée, toujours dans une optique de construction personnelle, toujours en se donnant une chance.

 

Frédéric ne semble pas encore s’être remis de son séjour en prison mais reste optimiste. “Avoir une vie normale” reste pour lui une dominante. Et aussi avoir “le travail qui va avec”.

 

On comprend que travailler est une chose qui va le tirer vers le haut. Le 11 mai prochain, il sera totalement libre, et même si pour l’instant cela semble un peu difficile pour lui de se réadapter, “c’est toujours mieux que d’être en prison”,   avoue-t-il.

jail 2.jpg
jail 1.jpg
right-arrow (1).png

Découvrez comment Lucas et Frédéric voient l'avenir :

Il n’y a pas de temps donné pour se réinsérer, pas de “bonne méthode”. Il est certain que l’état des lieux de la réinsertion en France est assez catastrophique.

 

Même si l’on tend vers de plus en plus d’aménagements de peines, la prison délite les liens familiaux, crée des traumatismes et favorise la récidive.

 

Vivre dans l’incertitude des lendemains n’est pas une solution, la prison enferme à l’intérieur et à l’extérieur, elle marginalise des personnes souvent déjà à l'écart de la société avant l'enfermement.

 

Se réinsérer, après une courte peine est difficile, comme Frédéric et Lucas l’ont expliqué. Parce qu’il faut du temps et de la patience, mais aussi un nombre d’efforts conséquents. Il faut avoir le mental pour se préparer aux épreuves qui viennent, or, les personnes qui vont en prison ont souvent de lourds passés, comme l’a souligné Nathalie Vallet.

 

Il est difficile de comprendre la volonté des politiques de construire de nouvelles places de prison, et d’espérer en faire sortir des personnes prêtes à retourner à une vie stable, dans une société qui les a exclu pendant des mois voire des années.

 

Il est difficile de comprendre comment, sans des associations comme Alerpi et avec 80% de sorties sèches, on espère libérer des individus prêts à affronter la vie et les obstacles que la société leur impose.

 

Lucas et Frédéric sont deux voix parmi tant d’autres, deux regards sur la prison et ses conditions, deux êtres humains tour à tour enfermés, parce qu’un jour ils ont commis un délit ou plusieurs, parce qu’ils ont fait une erreur.

“J’ai fait une bêtise, je l’assume, j’ai payé”, ajoute Frédéric. “Mais c’est vrai qu’on est laissé de côté”.

 

Nathalie Vallet explique qu'il y a dans la réinsertion, un travail nécessaire à faire sur l'acte qui a amené la condamnation. “Je ne peux pas accompagner des innocents”, ajoute-t-elle. Mais être coupable pour un délit ou un crime ne veut pas dire que l'on doit être coupable toute sa vie. 

 

“La réinsertion c’est un gros mot, je suis à insérer tout court.”

 

-Un sortant de prison

Lucas n'a pas vu ses enfants lors de sa peine. Il a préféré ne pas les confronter au monde carcéral. Mais aujourd'hui sorti, il a repris en main son rôle de père, laissé à l’entrée de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu. Ses enfants sont même un des seuls lien familial qui lui reste. Il a choisi de s'éloigner de sa ville d'origine pour ne pas cotoyer de "mauvaises fréquentations" qui pourraient le tirer vers le bas. 

 

Frédéric lui, raconte avoir des parents aimants, qui sont venus le voir régulièrement en prison. Il profite de son aménagement de peine pour voir souvent les autres membres de sa famille. Le jeune homme souligne que sa petite-amie ne comprend pas bien comment c’était “là-haut” et qu’elle est inquiète, elle se pose des questions. Même ses parents et sa soeur, qui sont venus le voir en prison "ne peuvent pas comprendre", déclare-t-il. Et "ils ont peur, c'est normal, la prison ça fait peur."

 

Pas facile d’expliquer à sa famille et à ses proches ce que c’est que d’être incarcéré, comment on se sent pendant et après, comment cette épreuve peut affecter un être humain. Pas facile de recommencer, de couper tout contact avec des amis qui pourraient être de mauvaises influences. Pourtant, ce sont des choses à faire pour pouvoir redémarrer du bon pied.

de-sas-en-sas.jpg
Copie de couverture.png

Se donner des buts après une sortie de prison est essentiel, comme le souligne Nathalie Vallet : “La réinsertion c’est redonner du désir, de l’envie pour faire des choses.” Bien sûr, certaines personnes ont des rêves inaccessibles, par exemple être pilote d'avion. Forcément ce n’est pas possible, alors j’essaie de rebondir. Certains ont ouvert des entreprises”, raconte-t-elle.

search.png

Zoom sur une initiative culturelle qui favorise la réinsertion : 

-Lire pour en sortir

"Chaque fiche de lecture rendue est inscrite dans un dossier et peut être prise en compte pour un aménagement de peine."

DSC_0001.png

"Ça va demander du temps et du travail."

right-arrow (1).png

Écoutez Lucas parler de sa reprise d'études : 

cadre.png
cadre.png
home-icon-silhouette.png

Retournez à l'accueil

Passez un moment avec Fédéric et Lucas

Copy of home-icon-silhouette.png

Retournez à l'accueil

Un moment avec Lucas et Frédéric